Les femmes chinoises et la pression du mariage

Ce phénomène culturel révélateur du quotidien des femmes chinoises

En Chine, suite à la politique de l’enfant unique (qui s’est officiellement achevée en 2015), le nombre d’hommes est désormais largement supérieur à celui des femmes. De peur que cela ne devienne une source d’instabilité sociale, le gouvernement organise de nombreuses campagnes publicitaires pour inciter les Chinois à se marier jeunes. Du fait de cette pression sociale, le mariage est parfois sujet de conflit au sein des familles. Les “qu’en-dira-t-on”, en particulier pour les femmes chinoises, deviennent un véritable fardeau. Découvrez ici en quoi ce phénomène impacte-t-il les consommatrices et leur comportement d’achat.

Les Sheng nu : les femmes célibataires de 30 ans et plus

Sheng nu (shèng nǚ, 剩女) est un terme péjoratif pour désigner les femmes célibataires approchant la trentaine. Bien souvent, elles sont professionnellement “accomplies”. Ces femmes, très indépendantes, font beaucoup penser au modèle de la “business woman” très populaire en Europe. Elles font partie de votre cible, parce qu’elles ont un pouvoir d’achat important. Oui mais voilà, en Chine, la priorité n’est pas donnée à la carrière, mais à la famille. Au-delà d’un certain âge, une femme est supposée se marier et faire des enfants, sous peine de faire “perdre la face” à ses parents. Mais alors, est-ce que ce phénomène a un impact direct sur la carrière des jeunes Chinois(es) ? Après avoir effectué un sondage auprès de Chinois(es), il apparaît que 45% des sondés considèrent que oui. Un jeune chinois de 20 ans explique :

当然会有影响,特别是在公立机构,影响升职

Bien sûr qu’il y a un impact, en particulier lorsque l’on travaille dans les institutions publiques, ça impacte nos promotions

En effet, les “qu’en-dira-t-on” ont une très grande importance dans les institutions publiques. Rien de surprenant, puisque la société chinoise est communautariste, ce qui signifie que le réseau et les relations interpersonnelles sont bien plus importants que les missions professionnelles en elles-mêmes. Ainsi, on discriminera facilement une personne parce qu’elle ne correspond pas aux attentes sociétales, quand bien même ses compétences justifient une promotion. Par ailleurs, l’importance de “maintenir la face” est la principale raison pour laquelle les jeunes Chinois achètent des produits de luxe. Malgré des prix jusqu’à 30% supérieurs à ceux pratiqués en Occident, les grandes enseignes de luxe sont extrêmement populaires en Chine, parce qu’elles permettent aux Chinois d’affirmer leur statut social. Dans certains cas, les Chinoises célibataires vont jusqu’à acheter des objets de luxe bien au-dessus de leurs moyens pour attirer à elles de riches Chinois de la côte Est, plus développée économiquement.

Les Sheng nan : les hommes célibataires de 40 ans et plus

Sheng nan (shèng nán, 剩男) est un terme moins connu dans la presse étrangère, mais il désigne de la même façon les hommes célibataires de quarante ans et plus. Familière avec les Sheng nu, mais bien moins avec les Sheng nan, je me suis tournée vers quelques amis chinois expatriés en France :

男人30岁开始家里催。女人25岁家里催。但是过了40岁,男的才是剩男,女的过了30岁才是剩女。[…] 其实男生不着急。有些男的很有钱,不想结婚,我们叫钻石王老五

C’est à partir de 30 ans que l’on commence à mettre la pression aux hommes. Pour les femmes, c’est dès 25 ans. Mais en fait, ce n’est qu’à partir de 40 ans pour les hommes et de 30 ans pour les femmes que l’on nous considère vraiment comme des Sheng nan ou Sheng nu. […] Les hommes ne s’en inquiètent pas. Une partie d’entre eux sont riches et ne veulent tout simplement pas se marier, on nous appelle des “partenaires hautement désirables”

J’ai poursuivi mon sondage :

Sheng nu

Une Chinoise de 24 ans partage son analyse :

完全不是,在中国,对于女性严苛的要求和年龄歧视会使女性的压力远远高于男性

Ce n’est pas du tout pareil. En Chine, il y a des exigences strictes fondées sur l’âge des femmes. La pression exercée par la société sur les femmes est bien plus importante que sur les hommes.

Les événements pour célibataires

En Chine, les événements pour célibataires sont extrêmement populaires. D’ailleurs, le 11 novembre (11/11) est connu pour être la Fête des célibataires. Cette date est largement célébrée par les marques et je vous invite à la noter dans votre planning éditoriale. Comme évoqué dans l’un de mes précédents articles sur Weibo, elle brasse plusieurs milliards de yuans tous les ans. De nombreuses organisations non gouvernementales se chargent d’organiser des événements. A Shanghai, le “marché des célibataires” a lieu tous les week-ends. Bien souvent, ce sont les parents qui se déplacent, CV en mains, pour trouver à leur enfant leur futur(e) époux/épouse.

Tout un business s’est créé autour de ce phénomène. De nombreux Chinois font appel à des “marieuses” pour trouver, si ce n’est la perle rare, tout du moins chaussure à leurs pieds. ARTE, dans son documentaire “Les mal-aimées de la Chine”, datant de 2019, présente d’ailleurs le parcours de plusieurs femmes, dont l’une fait appel à une marieuse. 

Enfin, pour les plus motivés, il est possible de participer à des émissions comme “Demandes sérieuses uniquement” (非诚勿扰 Fēichéngwùrǎo), dans laquelle 24 femmes et un homme s’affrontent, dans le but que ce dernier reparte avec une potentielle épouse.

Bien sûr, d’autres méthodes existent, comme les 相亲 (xiāng qīn, littéralement “connaissances mutuelles”), qui sont des rencontres arrangées par les parents ou par les amis, souvent via l’application WeChat, en vue d’un mariage. A la question “你有被安排相亲吗?”, Est-ce qu’on t’a déjà organisé une rencontre arrangée ?” 35% des sondés ont répondu que oui.

L’opinion de la génération Z

Malgré cette pression sociale, la génération Z (née entre 1997 et 2010) a une autre vision du mariage. Toutes les personnes de cette catégorie interrogées lors du sondage se rejoignent. Une Chinoise de 22 ans témoigne :

只要女性够独立,能够在物质,精神方面都得到满足,结婚并非必须的选择

Il suffit que les femmes soient suffisamment indépendantes, qu’elles soient satisfaites aussi bien matériellement que spirituellement, le mariage n’est alors pas obligatoire

Une autre chinoise de 24 ans ajoute :

可以。但需要面对很大压力,需要勇气。

Il est possible de ne pas se marier, mais il faut faire face à beaucoup de pression. Il faut être courageuse.

La force des marques chinoises est de comprendre la culture locale et s’en servir pour faire le buzz

A travers cet article, j’aimerais vous faire comprendre l’univers des femmes chinoises afin que vous sachiez à qui vous vous adressez dans vos publicités. Ainsi, en tant que marque occidentale, n’hésitez pas à mettre en avant des “business woman” élégantes et indépendantes : c’est ce à quoi aspirent les consommatrices chinoises. En leur vendant un produit qui promeut la business woman européenne (sans donner l’impression de critiquer les Chinois, bien entendu), les consommatrices chinoises achètent un idéal et vous jouez sur l’imaginaire collectif chinois. Voici un exemple de la marque chinoise PROYA qui s’est mise à la place d’une femme chinoise, et qui a fait le buzz en Chine en 2021.

La plus grande erreur commise par les marques occidentales est de ne pas chercher à comprendre les grands phénomènes culturels chinois, comme les Sheng nu. En Chine comme partout ailleurs, une personne qui se sent comprise au travers d’une communication plus adaptée à la réalité chinoise est une personne plus à même d’acheter un produit. Ceci explique par ailleurs l’essor des marques de luxe chinoises, plus à même de comprendre les défis auxquels les consommateurs chinois font face. Si votre marque sait jouer de l’imaginaire collectif chinois, vous vous différencierez et vous réussirez à percer en Chine !

Si vous souhaitez plus de conseils pour vous différencier dans vos communications en Chine et en Asie :

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